Les hybrides

La photo montre un hybride probable entre N. solanderi et N. fusca. Le feuillage est intermédiaire : la taille des feuilles est un plus grande que chez N. solanderi et un peu en dessous de celle de N. fusca, et les marges, au lieu d'être entières, sont légèrement crénelées, l'échancrure rappelant celle de N. fusca. La graine qui a donné naissance à cet individu a été récoltée sur un arbre qui avait l'apparence de N. fusca, dans une zone forestière du nord-ouest de l'île sud de la Nouvelle-Zélande où les quatre espèces natives poussaient côte à côte.

En Amérique du Sud
L'hybride sud-américain le plus connu est Nothofagus leoni, bien mal nommé d'ailleurs en terme de taxonomie, puisque une appellation libellée ainsi renvoie à une espèce et non à un croisement qui devrait s'exprimer par "Nothofagus x leoni". L'origine de l'erreur vient de ce que l'hybride en question a longtemps été considéré comme une espèce à part entière. En fait, il s'agit de l'hybride de première génération entre l'espèce N. glauca et l'espèce N. macrocarpa. On le trouve uniquement dans les zones de chevauchement entre les aires naturelles de distribution géographique des deux espèces, c'est à dire l'étage supra méditerranéen du Chili central, vers 35 à 37° de latitude sud. C'est un hybride fertile qui se rétro-croise avec ses parents.
Dans cette même région du Chili, des cas d'hybridation entre N. obliqua et N. alpina ont récemment été rapportés. L'hybride résultant de ce croisement est connu sous le nom de Nothofagus x alpina. Son feuillage présente, semble-t-il, des caractères intermédiaires entre les deux espèces. 

Plus dans le sud, vers la latitude du 40éme parallèle sud, les trois espèces à feuillage persistant du sous-genre Nothofagus vivent mélangées dans des forêts où l'on rencontre des individus intermédiaires dans la forme de leur feuillage. Parmi ces trois espèces, proches, il semble que N. nitida soit plus éloignée des deux autres, N. dombeyi et N. betuloides, lesquelles se croisent probablement. L'ampleur du phénomène est inconnue.
Encore plus dans le sud, vers les hautes latitudes du Chili méridional, les interminables hêtraies de N. pumilio dominent d'immenses territoires, souvent mélangées à N. antarctica. Des individus à feuillage intermédiaire entre ces deux espèces sont observés dans ces forêts. Pourtant, si hybridation il y a, elle n'a pas l'air fréquente. Pour autant, la proximité taxonomique entre les deux espèces (sous-genre pollinique Nothofagus) rend le croisement plausible. Par contre, il est vraisemblable que les hybrides en question sont stériles, car la littérature ne mentionne pas de fructification intermédiaire, alors que les cupules de N. pumilio sont très particulières (bivalves, à graines unique, alors que celles de N. antarctica sont quadrivalves à trois graines).

Très récemment (janvier 2002), le cas a été rapporté de 5 individus qui seraient des hybrides naturels entre N. antarctica (caduc) et N. dombeyi (persistant). Ils ont été observés au sein de deux peuplements différents, dans le parc naturel de Nahuel Huapi en Argentine. Les feuilles présentes sur les pousses jeunes ou courtes rappellent celles de N. antarctica tandis que celles situées à l'extrémité des rameaux sont ovales allongées comme celles de N. dombeyi. De plus, une grande partie du feuillage reste sur l'arbre à la fin de l'hiver : les feuilles des rameaux courts ou situées au départ des rameaux ont une couleur jaune à rouge, tandis que les feuilles de l'extrémité des rameaux restent vertes.
Voir la page originale (en anglais) :
http://www.southernconnection.org.au/january-2002/research_news.html

En Australie
Pas d'hybride. N. moorei et N. cunninghamii, proches taxonomiquement, vivent dans des aires géographiques naturellement éloignées de milliers de kilomètres.

En Nouvelle-Zélande
L'hybridation est très commune dans les hêtraies néo-zélandaises entre les trois espèces du sous-genre Fuscospora. N. fusca et N. truncata, très proches, se croisent fréquemment et donnent naissance à toutes une série d'individus intermédiaires, tandis que N. solanderi, déjà variable à l'intérieur de l'espèce même (cline), s'hybride indifféremment avec N. fusca ou N. truncata. Les descendants sont interféconds. De ce mélange génétique à grande échelle découle une grande variabilité de la forme du feuillage. De nombreuses formes intermédiaires étaient autrefois désignées comme des espèces types par les botanistes (exemples N. apiculata ou N. blairii). Ces appellations sont aujourd'hui désuètes et seules trois espèces sont reconnues.

En Nouvelle-Guinée et en Nouvelle-Calédonie
Moins explorées, moins étudiées et donc moins connues, les hêtraies néo-calédoniennes et surtout néo-guinéennes abritent pourtant des hybrides, puisque des échantillons intermédiaires et apparemment stériles y ont été récoltés. Le phénomène est donc reconnu, mais son ampleur est totalement inconnue et les espèces impliquées dans l'hybridation à peine mieux.                               

Hybride artificiel
Il semble qu'il existe un cas d'hybridation artificielle. Le livre "Southern Beeches" d'A.L. Poole le mentionne en 1987. Il s'agirait d'un croisement spontané entre deux espèces du sous-genre Lophozonia plantées côte à côte dans le sud de l'Angleterre. Ces deux espèces sont N. menziesii (de Nouvelle-Zélande) et N. obliqua (du Chili). Ce croisement, s'il est bien réel, est vraiment surprenant dans la mesure où ces deux espèces sont séparées par 60 millions d'années au moins. Le livre "Ecology and Biogeography of Nothofagus forests" reprend l'information en 1996, ce qui semble indiquer que le croisement est avéré. Malheureusement, je n'ai rien pu trouver dans la littérature concernant la description botanique de cet hybride dont le feuillage doit être bien particulier, étant donné que les feuilles de N. menziesii sont très petites, orbiculaires et strictement persistantes, alors que celles de N. obliqua sont assez grandes, longues et caduques.

 

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